Depuis le début de l’année 2015, les libéraux sont piégés par le problème du terrorisme, qui semble obliger à remettre à plus tard les réformes du marché du travail, de l’éducation nationale, de la fiscalité, etc. Mais faut-il attendre la fin du problème terroriste pour régler les autres problèmes ? Un texte précieux de Pierre de Boisguilbert, l’un des fondateurs de la tradition libérale française, nous éclaire à ce sujet. Ajouté comme supplément au Détail de la France (1695), il répond aux détracteurs de son projet libéral, qui affirmaient que l’état de guerre empêchait toute réforme économique. (Un texte à retrouver dans notre réédition du Détail de la France.) B.M.
SUPPLÉMENT AU DÉTAIL DE LA FRANCE
Il est surprenant que dans les grands besoins qu’a présentement l’État de secours extraordinaires, les peuples faisant offre de les fournir dans le moment, au moyen de quelques accommodements, lesquels, sans rien déranger, n’exigent qu’un simple acte de volonté des personnes en place, et mettront ces mêmes peuples au même instant en état d’y satisfaire avec profit de leur part ; il est étonnant, dis-je, qu’on ne veuille accepter ces offres qu’après la conclusion de la paix , bien que ce soit l’unique moyen d’en procurer une très avantageuse. En sorte que, par une destinée jusqu’ici inouïe, ceux à qui il tombe en charge de payer, se soumettent de le faire sans demander de délai, et les personnes qui ne doivent avoir d’autres fonctions que de recevoir, exigent un terme et un délai, fort incertains, pour l’accepter.
Outre cette situation monstrueuse, on peut assurer que la guerre étrangère coûte dix et vingt fois moins au royaume que les désordres intestins causés par les manières que l’on pratique pour recouvrer les fonds afin d’y subvenir ; si bien que, mettant pour ainsi dire l’incendie dans toutes les contrées de la France, il est plus opportun de l’arrêter que la guerre du dehors, dont, encore une fois, la conclusion avantageuse dépendra absolument de cette paix du dedans, qui se peut terminer à moins d’un mois ; et l’allégation de la guerre étrangère comme un obstacle au rétablisse-ment de la félicité générale est la même erreur que si, le feu étant aux quatre coins d’une maison, on soutenait qu’il ne faut pas l’éteindre qu’un procès que l’on aurait pour la propriété en un tribunal éloigné ne fût jugé ; et c’est ce qui se verra mieux par un petit détail de cette guerre intestine, ou de cet embrasement du royaume, article par article.
Faut-il attendre la paix pour faire labourer les terres dans toutes les provinces, où la plupart demeurent en friche par le bas prix du blé, qui n’en peut supporter les frais, et où l’on néglige pareillement l’engrais de toutes les autres, ce qui fait un tort de plus de 500 000 muids de blé par an à la France, et 500 millions de perte dans le revenu des peuples, par la cessation de la circulation de ce premier produit, qui mène à sa suite toutes les professions d’industrie, lesquelles vivent et meurent avec lui ?
Faut-il attendre la paix pour un autre article, qui est une suite du précédent, savoir : pour faire payer les propriétaires de fonds par ceux qui les font valoir, desquels nul maître ne recevant rien, ou il ne fait nul achat dans les boutiques, ou ne satisfaisant pas aux crédits précédents, les marchands sont obligés de faire banqueroute ?
Faut-il attendre la paix pour faire cesser d’arracher les vignes, comme on fait tous les jours, pendant que les trois quarts des peuples ne boivent que de l’eau, à cause des impôts effroyables sur les liqueurs, qui excèdent de quatre ou cinq fois le prix de la marchandise ; et quand le produit qui donne lieu à une pareille destruction est offert d’être payé au double à l’égard du roi d’une autre manière par les peuples, ce qui serait un quadruple profit de leur part, ne peuvent-ils être écoutés, et doit-on les renvoyer à un autre temps, en soutenant qu’il faut attendre que toutes les vignes soient arrachées pour donner permission aux peuples de les cultiver ; ce qui serait entièrement inutile, et ne vaudrait guère mieux que d’appeler un médecin pour guérir un mort ?
Faut-il attendre la paix pour ordonner que les Tailles seront justement réparties dans tout le royaume, et que l’on ne mettra pas de grandes recettes à rien ou peu de chose, pendant qu’un misérable qui n’a que ses bras pour vivre lui et toute une famille, voit, après la vente de ses chétifs meubles ou instruments dont il gagne sa vie, comme on fait pour l’ustensile qui se règle sur le niveau de la Taille, enlever les portes et les sommiers de sa mai-son pour satisfaire au surplus d’un impôt excédant quatre fois ses forces ? M. de Sully, qui rétablit la France, l’ayant trouvée au point où elle peut être aujourd’hui, n’était pas persuadé que la guerre eût rien de commun avec ces règlements, puisqu’il fit une ordonnance en 1597 pour régler la juste répartition de la Taille, ainsi que tous les autres désordres, qu’il arrêta au milieu de deux guerres, l’une civile et l’autre étrangère, qui désolaient le dedans et le dehors du royaume d’une bien plus cruelle manière que ne peut être la conjoncture d’aujourd’hui ; et le tout fut si ponctuellement exécuté, que le roi et les peuples devinrent très riches, de très mal dans leurs affaires qu’ils étaient auparavant.
Faut-il attendre la paix pour sauver la vie à deux ou trois cent mille créatures qui périssent au moins toutes les années de misère, surtout dans l’enfance, n’y en ayant pas la moitié qui puisse par-venir à l’âge de gagner leur vie, parce que les mères manquent de lait, faute de nourriture ou par excès de travail ; tandis que dans un âge plus avancé, n’ayant que du pain et de l’eau, sans lits, vêtements, ni aucuns remèdes dans leurs maladies, et dépourvues de forces suffisantes pour le travail, qui est leur unique revenu, elles périssent avant même d’avoir atteint le milieu de leur carrière ?
Faut-il attendre la paix pour la donner aux immeubles, ce qui se peut en un instant, le roi déclarant qu’il se contentera désormais de subsides réglés proportionnés aux forces de chacun des contribuables, ainsi qu’il se fait présentement en Angleterre, en Hollande, et dans tous les pays du monde, et qu’il s’est fait même en France durant onze cents ans ; et que l’on ne bombardera plus rien, surtout les charges, comme il est arrivé à une infinité de personnes ; ce qui faisant tout le vaillant d’un homme, le réduit à l’aumône, et mettant tous les autres possesseurs de semblables biens dans l’attente d’un pareil sort, les ruine presque également sans que le roi reçoive rien ? N’est-ce pas, en effet, leur ôter tout crédit, puisque le crédit ne roulant que sur la solvabilité du sujet qui s’en sert, cette solvabilité s’anéantit par la destruction du prix des fonds qu’il possède ; tout comme dans une ville menacée de bombardement, quoique les maisons ne ressentent actuellement aucun mal, elles perdent neuf parts sur dix de leur valeur ordinaire, qu’elles reprennent aussitôt que cette crainte est passée. Ainsi on peut en un instant, par l’établissement d’une paix intestine, doubler et tripler le prix de tous les immeubles, et par conséquent le crédit, qui est la moitié, encore une fois, du revenu des peuples.
Faut-il attendre la paix pour mettre le roi en état de payer les officiers à point nommé, afin que ceux-ci soient en pouvoir de faire leurs recrues dans les temps commodes, et de bonne heure ?
Faut-il attendre la paix pour donner assez de secours au roi afin que par un engagement considérable on fasse des soldats volontairement, et que l’on ne mène pas des forçats liés et garottés à l’armée, comme on fait aux galères et même au gibet ; ce qui, au rapport de M. de Sully, dans ses Mémoires, ne sert qu’à décourager les autres, décrier le métier et la nation, parce qu’ils désertent tous à la première occasion, ou meurent de chagrin ?
Faut-il attendre la paix pour cesser de constituer l’État sous le nom du roi, en sorte qu’après la fin de la guerre le payement des intérêts de l’argent pris en rente coûtera plus aux peuples que l’entretien de la guerre, de façon que c’en sera une perpétuelle qu’ils auront à soutenir ?
Faut-il attendre la paix pour purger l’État des billets de monnaie qui par le déconcertement qu’ils apportent dans le commerce, coûtent quatre fois plus par an que la valeur de toutes les sommes pour lesquelles on en a créé, c’est-à-dire quatre fois plus que la guerre étrangère ? Que le royaume s’en recharge par un juste partage sur la tête des particuliers et Communautés. L’endos qu’ils y mettront, payable en quatre ans par quatre payements différents, avec intérêts, les fera circuler dans le trafic sans aucune perte du transportant ; et le rétablissement de la consommation, possible en trois heures par la simple cessation d’une très grosse violence faite à la nature, dédommagera au quadruple tous ces endosseurs, de cette prétendue nouvelle charge, ainsi que la crue ou la hausse de la fourniture des besoins du roi.
Faut-il enfin attendre la paix pour cesser de vendre tous les jours des immeubles, surtout des Charges, avec promesse qu’on en jouira tranquillement, et que ceux qui auront prêté leur argent pour cet achat auront un privilège spécial, et puis, quelque temps après, revendre ce nouvel effet à un autre, sans nul dédommage-ment au premier acquéreur non plus qu’au prêteur ; ce qui ôtant la confiance, qui est l’âme du trafic, rompt tout commerce entre le prince et ses sujets, fait que l’argent seul, pouvant être à l’abri de pareils orages, est estimé l’unique bien, et comme tel resserré dans les cachettes les plus obscures qu’on peut trouver, avec une cessation entière de toutes sortes de consommations, dont cet argent est uniquement le très humble valet ? C’est une très grande absurdité de chercher d’autre cause de la rareté que l’on en voit régner, que cette même destruction de consommation, comme de nier qu’en la rétablissant, comme cela se peut en un moment, on le verra aussi commun que jamais ; bien que depuis un très long temps on ne l’ait cherchée que dans la destruction de la seule cause qui le fait marcher, savoir, encore une fois, la ruine de la consommation.
L’esprit le plus borné et le plus rempli de ténèbres qui fût jamais ne peut être assez aveuglé pour produire de pareils soutiens : il n’y a que le cœur ; car, au témoignage de l’Écriture sainte, lorsqu’il est une fois corrompu, un saint revenant exprès de l’autre monde, ne le changerait pas. Aussi, quoiqu’on va montrer qu’il est aussi certain que les peuples peuvent par trois heures de travail de MM. les ministres, et un mois d’exécution de leur part, sans rien déconcerter, ni mettre aucun établissement précédent au hasard, qu’ils peuvent, dis-je, fournir cent millions de hausse au roi pour ses besoins présents, avec quadruple profit de leur part, et que l’on fasse cette preuve avec autant de certitude que si un ange la venait apporter du ciel ; on ne prétend pas néanmoins convertir un seul de ces cœurs corrompus, c’est-à-dire ceux en qui la destruction publique est le principe de la haute fortune : on ne s’adresse qu’aux esprits qui pourraient se laisser gâter par la contagion de sujets dépravés, et par conséquent suspects sur une pareille matière.
Voici comment on fait cette preuve : ce qui est constamment vrai, ne serait pas plus certain quand tous les saints du paradis le viendraient attester, et il est à coup sûr aussi indubitable que la Seine passe à Paris, que si les anges en venaient rendre témoignage.
Il y a une seconde chose incontestable, savoir, que tous les faits sur lesquels plusieurs s’accordent sans aucune convenance précédente entre eux, sont aussi certains que si nos propres yeux nous en portaient témoignage.
Tous les hommes raisonnables qui n’ont jamais été à Rome parieraient tout leur bien, contre une pièce de trente sous, qu’il existe au monde une ville de ce nom, parce que trop de gens l’ont dit et écrit sans avoir concerté de mentir, pour que cela ne soit pas véritable ; et même si quelqu’un voulait contredire ce fait, on le traiterait de fou et d’extravagant.
Or, on maintient que l’établissement de cent millions de hausse de la part des peuples, avec quadruple profit de leur part, possible en trois heures de travail et un mois d’exécution, a le même degré de certitude que cet exemple de Rome, attendu que tous les peuples non suspects sont prêts à en signer la proposition aux conditions marquées ; et l’on soutient en même temps que si le roi ordonnait à quelqu’un de mettre par écrit des raisons qui fissent voir l’impossibilité d’un pareil recouvrement, outre qu’il ne saurait par où commencer ni par où finir, il serait en horreur et à Dieu et aux hommes. Et la demande du délai jusqu’après la paix est un aveu pur et simple que la chose est très aisée, ou la contradiction impossible, puisque la paix ou la guerre étrangère n’ont nulle relation avec ce qui se passe au dedans du royaume à l’égard des tributs : c’est donc montrer grossièrement que, ne pouvant nier que les manières pratiquées mettent le feu aux quatre coins de la France, on souhaite seulement que l’on remette à l’éteindre jusqu’à la paix ; non, encore une fois, qu’elle ait aucun rapport à ces désordres, mais parce que l’on espère par là obtenir un délai, et que l’embrasement soit continué, attendu qu’on y trouve son compte, et que l’on est au nombre des incendiaires qui se font bien payer pour de pareils services.
De si cruelles dispositions et de semblables énoncés ne doivent pas surprendre de la part des Traitants, puisque c’est à l’aide d’une pareille politique qu’ils se procurent ces fortunes immenses qui font la ruine de l’État, et qu’ils se sont fait donner, depuis 1689, 200 millions pour leur part, sans celle du néant, qui croissant sous leurs pieds, excède de dix à vingt fois ce que tant le roi qu’eux reçoivent par un si funeste canal ; et même de pareilles objections n’auraient pas également surpris dans la bouche des ministres avant 1661, parce que ou ils étaient Traitants eux-mêmes, ou ils prenaient part dans tous les partis, comme il fut vérifié contradictoirement à la chambre de justice ; ce qui était la même chose à l’arrivée de M. de Sully au ministère, lequel dit au roi Henri IV que les Traitants, qui sont la ruine d’un État, n’avaient été inventés par les ministres que pour prévariquer, leur étant impossible de rien prendre dans les tributs réglés passant droit des mains des peuples en celle du prince, comme il se pratique dans tous les pays du monde ; au lieu que par les Partisans, ils sont les maîtres absolus des biens de tout le monde, mettant un homme riche sur le carreau, et le dernier des misérables dans l’opulence quand il leur plaît, et ne sont privés pour leur particulier de recevoir quelques sommes que ce puisse être, qu’autant qu’ils les veulent refuser, n’y ayant d’autres bornes que celles que l’on peut attendre de leur modération ; comme, dis-je, c’était là la situation des ministres avant 1661, la demande de délai pour changer des manières si déplorables n’eût pas surpris, parce qu’on l’eût regardée comme des lettres d’État de leur part pour se maintenir dans une si agréable situation à leur égard, quoique si funeste au roi et aux peuples ; mais aujourd’hui et depuis 1661, que l’intégrité tout entière a succédé tout à coup dans le ministère, et sans aucun milieu, à une extrême prévarication, on ne peut qu’être surpris d’avoir vu trois fois un quadruplement de Partisans et de manières désolantes, ainsi que la demande actuelle d’un délai pour éteindre le feu qui est aux quatre coins du royaume, avec un refus de recevoir de la part des peuples tous les besoins du roi, dans un temps qu’ils sont absolument nécessaires à la monarchie, parce qu’on ose appeler un renversement d’État la cessation du plus grand bouleversement qui fût jamais, qui fait une très grande violence à la nature, et qui peut être arrêté en un moment avec beaucoup moins de dérangement qu’il n’y en eut lors de la Capitation établie en 1695, au milieu de la guerre.
Et si, quant à cette Capitation, qui avait promis la cessation des Affaires extraordinaires, elle n’a eu d’autre résultat, grâce à ceux qui trompèrent MM. les ministres dans la répartition, que de rendre l’impôt ridicule, et par suite insuffisant à atteindre aux besoins du roi, il n’est pas à craindre qu’il en arrive de même dans celle qu’on propose, puisqu’elle ira à plus de cent millions avec quadruple profit de ceux qui payeront six fois leur cote précédente, et cela par la simple attention à ces quatre articles, savoir : les blés et liqueurs, la juste répartition des Tailles, et la cessation des affaires extraordinaires ; ce qui n’exige qu’un simple acte de volonté du roi et de MM. les ministres, pour finir une très grande violence qu’on fait à la nature, bien que la négligence de cette attention coûte, de compte fait, plus de quinze cents millions de perte par an au royaume depuis 1661, que l’intégrité est dans le ministère, les prévarications précédentes n’ayant rien produit de si funeste ; mais bien le contraire, et tous les biens se trouvant doublés en 1661, ainsi que ceux du roi, du prix qu’ils étaient trente ans auparavant.
Que si ce nombre de 1 500 millions étonne, on le prend d’une autre manière, et on maintient que sur quarante mille villes, bourgs et villages qu’il peut y avoir dans le royaume, il n’y en a aucun, l’un portant l’autre, qui n’ait perdu cinquante mille livres de revenu tant en fonds qu’en industrie, ou plutôt dix et vingt fois davantage que ce que le roi en tire par toutes sortes d’impôts, à le vérifier sur tel lieu que le parti contraire voudra choisir, sans qu’on en puisse accuser le manque d’espèces, qui sont aujourd’hui au double dans la France, comptant exactement ce qui est entré et sorti, de ce qu’il y en avait en 1661, que les quinze cents millions de rente existaient. Mais c’est que l’argent est devenu paralytique, et qu’il avait au contraire des jambes de cerf en ce temps-là, ce qui est le seul principe de la richesse des peuples, et par conséquent de la fourniture des besoins du roi. Car les tributs, comme toutes sortes de redevances, tirent leur qualité d’excès ou de modicité, non de la quotité absolue des sommes que l’on demande, mais de la valeur des fonds dont on les exige, et la vigueur de ceux-ci n’est qu’à proportion de la vente des denrées qu’ils produisent ; d’où il suit que cette production pouvant être doublée en un moment, il n’en faudrait pas davantage pour rendre au cours des espèces la même rapidité qu’imprime à l’eau d’un torrent la levée de la digue qui la retenait sur le bord d’une pente ; et la même absurdité qui se rencontrerait dans l’objection que cette eau ne pourrait couler dans la vallée, après l’enlèvement de la digue, qu’une guerre étrangère ne fût terminée, se trouve encore dans l’allégation des personnes qui prétendent qu’il faut attendre la fin de cette même guerre pour voir marcher la consommation, bien que les causes violentes qui l’arrêtent puissent être ôtées en un moment, en quelque temps que ce soit.
Quand on dit cent millions d’augmentation dans les revenus du roi en un instant, ce n’est pas cent millions d’espèces de nouvelle fabrique, comme au Pérou, c’est cent millions de pain, de vin, de viande, ou autres denrées, qui étant le seul soutien de la vie, le sont pareillement des armées, lesquelles seront fournies au moyen de dix millions seulement, et même moins, qui faisant dix voyages et dix retours des mains des peuples en celles du prince, enfanteront cette livraison de denrées dont il se perd tous les jours dix fois davantage, tant produites qu’à produire ; pendant que d’un autre côté ces dix millions, qui ne marchent jamais que par l’ordre de la consommation, résident des années entières dans des retraites dont toutes les machines du monde ne les peuvent tirer : loin de là, toutes les mesures que l’on prend ne servent qu’à les y enfoncer davantage, au lieu qu’en un instant on les peut mettre, ainsi que tout le reste, en mouvement ; ce qu’on offre à la garantie des peuples, qui vaut beaucoup mieux que celle des Traitants, n’y ayant qui que ce soit, non intéressé à la cause des désordres, qui ne donne avec plaisir et profit les deux sous pour livre de son revenu pour être payé du surplus avec exactitude, ce qui n’est pas à beaucoup près présentement, et ce qui est immanquable par le système proposé, beaucoup plus propre au soutien de la guerre que toutes les pratiques employées jusqu’à ce jour.